La régularité du duplex bruxellois

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La majeure partie de l'immobilier sur Bruxelles a fait l'objet de rénovations. Tant le type d'habitat que l'usage qui en est fait ont été modifiés par les évolutions culturelles, sociales et économiques. Il a fallu moderniser l'habitat, dont l'espace a été réduit en raison d'exigences financières et démographiques. C'est ainsi que les duplex sont apparus dans les centres villes!

Le duplex répond à la demande croissante de logements et à la rentabilisation de leurs espaces. C'est ainsi que certaines pièces ou certains niveaux, tels que les caves ou les greniers, quasiment inutilisés précédemment, ont fait l'objet de réaménagements. La maison construite originellement à vocation unifamiliale est devenue un immeuble collectif comprenant plusieurs logements distincts, dont le duplex. Le dictionnaire Larousse décrit ainsi le duplex comme un appartement distribué sur deux niveaux réunis par un escalier intérieur.

La plupart des immeubles bruxellois ont été construits après-guerre. Ce n'est cependant pas l'année de construction originelle qui nous intéresse, mais bien la date de rénovation des immeubles et de la profusion des duplex, pour l'essentiel dans les années '90. Au regard de ce boum des rénovations avec plus ou moins de goût, le législateur régional s'est vu obligé de sévir de manière tout aussi diverse et variée. S'il est évident que le bâti original a fait l'objet d'un permis de bâtir, rien n'est moins sûr en ce qui concerne les rénovations et en particulier le cas du duplex. Les dispositions se suivent mais ne se ressemblent pas ; de sorte que c'est souvent la lecture conjointe de différentes dispositions et leur application par les tribunaux aux différents cas d'espèces - en fonction du type de travaux et de la date - qui détermineront avec plus ou moins de conviction la nécessité de l'obtention d'un permis de construire préalable à ces aménagements.

Le duplex crée un changement d'usage. Sous l'ancienne loi de 1962, d'application avant le 1 er juillet 1992, la plupart des travaux visant les changements d'utilisation et/ou d'affectation étaient exonérés de tout permis préalable et pouvaient être maintenus. Depuis le 1 er juillet 1992, le type de changement a cependant son incidence sur l'obligation ou non d'avoir un permis de bâtir.

Le changement d'utilisation se caractérise ainsi par le changement de destination d'une pièce, sans modifier l'affectation du logement. C'est ainsi que le duplex entraîne le plus souvent le changement d'utilisation d'une cave ou d'un grenier par une chambre de vie. Il s'agit dès lors de modifications intérieures sans incidence sur l'ensemble du logement. Depuis le 7 juillet 2003, pareille modification est explicitement dispensée de permis de bâtir, pour autant qu'une autre affectation n'ait pas été implantée. Avant l'arrêté du gouvernement de 2003 ces changements étaient déjà considérés de minime importance et ne nécessitaient pas de permis d'urbanisme.

Il n'en va pas de même pour le changement d'affectation d'un bien. Celle-ci ne concerne pas la modification d'une pièce, mais bien la vocation d'un ensemble, à savoir si une partie est dévolue à du logement, des bureaux ou un commerce. Il peut dès lors être question de modifications d'utilisations de pièces au sein d'une même affectation et non l'inverse évidemment. Pareille modification de l'affectation a inévitablement des répercutions vers l'extérieur - des logements peuvent ainsi se transformer en commerces – avec pour effet de transformer des quartiers résidentiels en centres commerciaux. C'est pourquoi le législateur a imposé des mesures plus contraignantes à ce niveau-là et a soumis à permis le fait de modifier le tout ou partie d'un bien en vue d'en changer l'affectation. Le duplex - s'inscrivant généralement dans l'aménagement d'un logement existant - ne se voit cependant pas assimilé à un changement d'affectation.

Comme la définition du terme duplex le précise, il s'agit néanmoins d'un appartement sur deux niveaux réunis par un escalier. Ceci implique dès lors la réalisation de travaux plus importants, pouvant avoir une incidence sur le corps du bâtiment. C'est ainsi que l'ouverture de cages d'escaliers – généralement plus larges que les précédentes, qui permettaient uniquement l'accès à une cave ou un grenier – implique une modification de l'architecture, qui nécessite un permis préalable , même s'il ne s'agit que de travaux d'aménagement intérieurs qui ne modifient pas le volume de la construction existante. De tels travaux nécessitent de surcroît le plus souvent de percer la trémie reliant les deux niveaux, avec des conséquences sur la stabilité du bâtiment. Or, comme l'a confirmé récemment le Tribunal de Première Instance de Bruxelles dans son jugement inédit du 14 juillet 2015 , dès qu'une question de stabilité entre en ligne de compte il faut obligatoirement demander un permis de bâtir. L'obligation d'un permis de bâtir varie donc au cas par cas, au gré des aspects mentionnés ci-dessus, mais une lecture conjointe de ces règles fait que les juridictions bruxelloises considèrent le plus souvent qu'un permis préalable est nécessaire à la création d'un duplex dans un bâtiment existant.

Enfin, l'obligation d'avoir un permis urbanistique est d'ordre public, notamment pour des raisons de sécurité. C'est pourquoi toute infraction urbanistique est d'ailleurs imprescriptible. Force est cependant de constater que bon nombre de duplex ont été créés sur Bruxelles sans demande de permis de bâtir. Le fait que les actes de base de certaines copropriétés, ainsi que d'anciens actes authentiques translatifs de propriété, ne fassent mention d'aucune irrégularité ou garantissent même explicitement la conformité des travaux qui auraient été effectués ne sont malheureusement pas garants d'un duplex en règle d'un point de vue urbanistique si aucun permis n'avait été demandé. Lorsque le maître d'ouvrage ou son ayant-droit reste dans le duplex, le risque de sanction par les autorités communales est minime. C'est surtout en cas de vente du duplex que le problème survient. Tant la cause que l'objet de la vente sont en effet illicites – et par conséquent nuls - car le duplex délivré a été réalisé sans permis de bâtir et n'a pas d'existence légale. Il ne peut donc théoriquement pas faire l'objet d'une vente. Certains acheteurs avertis profitent alors de cette faute pour négocier le prix à la baisse, au motif que le bien pourrait être détruit. Dans le cas d'un duplex sans permis de bâtir il est donc essentiel d'en demander la régularisation préalablement à la mise en vente. Il s'agit d'introduire des plans comme si le duplex n'avait pas encore été construit, afin d'en demander un permis de bâtir à postériori, qui fait office de régularisation. La plupart des duplex se voient ainsi régularisés, les autorités communales n'ayant aucun intérêt à les refuser, ce qui, à l'inverse, causerait en effet une énorme insécurité juridique.

Joachim BOURRY
 

Entrée en vigueur de l'ordonnance organique de la planification de l'urbanisme du 29 août 1991.

A. DELFOSSE, « La poursuite des bureaux ‘sauvages' en Région bruxelloise », Sky Events , Journée d'étude du 14 décembre 1994, 4 ; Anvers, 15 février 1996, TMR , 1997, 286 ; O. EVRARD, « Les changements d'affectation soumis à permis d'urbanisme en région de Bruxelles-capitale », Association de la ville et des communes de la région de Bruxelles-capitale , janvier 2009, 2.

Cass. 1 ère Ch., 26 octobre 2000, Res. Jur. Im. , 2001, 161.

Entrée en vigueur de l'Arrêté du Gouvernement du 12 juin 2003 (art. 8) .

Ordonnance du 18 juillet 2002 (entrée en vigueur le 7 août 2002) qui a inséré un §3 à l'art. 208 de l'OPU (devenu aujourd'hui l'art. 330, §3 CoBAT ; Arrêté du gouvernement du 13 novembre 2008 ; B. LOUVEAUX, « Implantation et location de bureaux dans la Région de Bruxelles Capitale », DAOR , 1995, 17-18 ; Doc. C. Rég. Brux./Cap.A/108/2 , 1990-1991, 480/11.

J. van YPERSELE, P.Y. ERNEUX, Ch. AUGHUET, « La division horizontale en régions wallone et bruxelloise », Rev. Prat. Im. , 2008/3, 54 ; O. EVRARD, « Les changements d'affectation soumis à permis d'urbanisme en région de Bruxelles-capitale », Association de la ville et des communes de la région de Bruxelles-capitale , janvier 2009, 15.

Art. 84 §1 er 5° Ordonnance organique de la planification de l'urbanisme du 29 août 1991.

Art. 44, §1 er , 1°, al. 1 er Loi 29 mars 1962 ; Cass. 15 juin 1959, Pas. , 1959, I, 1053.

A.R. 16 décembre 1971 ( M.B. 19/01/1972).

Civ. Bruxelles 27 juin 1969, Pas. , 1969, II, 234.

Civ. Bruxelles francophone, 74 ème Ch., 14 juillet 2015, 13/66/A, 2015/19236.

Art. 5, 2° de l'arrêté du Gouvernement du 12 juin 2003.

A. VERBEKE, Bijzondere overeenkomsten in kort bestek , Anvers, Intersentia, 2004, 35.

W. VAN GERVEN, Verbintenissenrecht , Leuven, Acco, 2000, I, 63-64.